Nous arrivons au montage final des éléments de la vielle et au réglage, phase qui comprend une multitude de petits travaux et d'ajustements qui demandent de la patience. Suivons le luthier dans ses travaux.
Ajustage final de la roue: Une fois la roue montée, on affine l'angle de la surface à l'aide d'une feuille de métal servant de couteau en s'appuyant sur un support en liège pour ne pas griffer la surface de la table :
Collage des sillets pour les bourdons et les trompettes: Pour assurer un collage solide, il faut enlever le vernis à l'endroit où s'appuie le pied du sillet. On recouvre généreusement la surface d'appui avec du ruban adhésif. Puis on positionne le sillet dans sa position finale (déterminé par un clou en bois) et on marque le pourtour du pied. En découpant le ruban adhésif le long de ce pourtour on peut enlever le ruban adhésif pour dégagé une surface correspondant exactement au pied du sillet. Le vernis est ensuite gratté et enlevé .
Cette surface sera ensuite enduite de colle et le sillet posé et fixé à l'aide d'un serre joint durant le temps de séchage de la colle:
Fixation du cordier: Même procédure que pour le collage des sillets. Cependant, le cordier sera en plus fixé avec deux vis qui traversent la table pour être ancrées dans le bloc de renforcement du corps de la vielle (côté manivelle). Les tête de vis seront cachées sous des rondelles en nacre posées en marqueterie à la surface du cordier.
Le montage de l'ensemble boite à tangentes / chevillier se fera en collant le côté du chevillier au corps de la vielle. En plus, pour donner plus de rigidité, l'ensemble sera fixé au moyen de trois vis qui prendront ancrage dans le bloc de renforcement du corps de la vielle (côté chevillier) ainsi que dans les barrages du corps de la vielle. La photo montre l'ensemble prêt au montage. Des petits coussins en caoutchouc ont été collés aux endroits où la boite à tangentes prendra appui sur la table. Ceci évite à la fois que trop de vibrations du corps ne soient transmises vers les touches qui risqueraient de vibrer et d'émettre des bruits parasites. D'autre part on découple les bruits de clavier par rapport aux micros incorporés dans la vielle:
A l'intérieur de la boite à tangentes, côté touches, des bandes de caoutchouc sont collées: elles amortiront le retour des touches retombant dans leur position de base.
Puis vient le montage final du chevalet principal. Le luthier reprend la règle en plexiglas qui avait déjà servi lors du positionnement initial de la boite à tangente et colle le chevalet (même procédure que pour les sillets et le cordier pour enlever le vernis dans la surface d'appui):
Le chevalet principal sera soumis à de forces considérables lorsque les chanterelles seront mises en place et montées à la tension nécessaire qui risque de courber ou même de faire basculer le chevalet vers la roue. Pour cette raison, le chevalet sera attaché au cordier par un filin spécial, constitué d'un fil en nylon de la grosseur d'une allumette et portant un filetage de façon à pourvoir accueillir un écrou que l'on utilisera pour tendre ce filin de jonction entre le chevalet et le cordier ainsi réalisé.
Montage des sillets arrière des chanterelles: Ces sillets sont ajustables, permettant ainsi de définir la position de la partie vibrante des chanterelles par rapport à la position du clavier (l'ensemble des touches dans la boite à tangentes). Les sillets sont montés sur des patins en plexiglas qui eux même portent des trous de fixation oblongs permettant d'ajuster individuellement la position des sillets sur quelques millimètres. La photo montre aussi à la naissance du chevillier un mécanisme constitué d'une bille en acier montée sur ressort, constituant le "cadenas" du couvercle de la boite à tangentes.
Montage des sautereaux: Traditionnellement, les sautereaux étaient sommairement découpés au couteau en laissant une petite tige pour les insérer dans des trous percés à cet effet dans les tangentes. Pour obtenir une gamme juste on faisait pivoter les sautereaux autour de leur axe de fixation. Pendant des siècles ce principe a été utilisé. Mais le système présente des inconvénients. Les pignons s'usent ou rétrécissent avec l'hygrométrie et souvent les sautereaux tiennent mal en place. En plus, si l'ajustement exige de tourner un sautereau à un degré qui le fasse dévier de façon significative de la position perpendiculaire par rapport à la corde, la distance entre le sautereau et la corde diminuera. Dans ce cas les deux sautereaux sur une même tangente ne touchent plus la corde au même moment lorsqu'on pousse une touche (effet de grésillement au moment d'amorcer une note; pression forte exigée pour appuyer les deux tangentes sur la corde). Finalement, des effets de vibration pervers sont fréquents, si les sautereaux ne sont pas solidement fixés à la tangente et l'on a alors beaucoup de difficultés pour obtenir des notes stables.
Pour toutes ces raisons, de luthiers travaille aujourd'hui sur des solutions alternatives de sautereaux. Première amélioration: on fixe les sautereaux aux tangentes avec des vis . Deuxième innovation: revision du concept des sautereaux: un pied en métal muni d'un trou oblong de fixation, permettant de régler non seulement l'orientation du sautereau mais aussi sa distance par rapport à la corde.
C'est ce système que le luthier a choisit ici. La photo montre différents sautereaux (importés des Etats Unis). On distingue le pied des sautereaux (en laiton) avec le trou de fixation ainsi qu'une tige en acier pressée dans le pied du sautereaux. Ces tiges sont recouverte d'une petite gaine en plastique (découpée dans un tuyau en plastique vendu dans les magasins spécialisés en équipement d'aquarium). L'expérience démontre que ce détail évitent les vibrations sur la corde qui se manifesteraient immanquablement si l'ergot du sautereau serait fait d'un matériau trop dur.
Pour fixer ces sautereaux sur les tangentes, le luthier perce les tangentes de façon précise et intègre des écrous qui accueilleront les vis de fixation des sautereaux:
Sur les photos suivantes on distingue les sautereaux en cours de montage. La plupart des tangentes des touches chromatiques sont déjà prêtes. Les touches diatoniques ne sont munies pour l'instant que des vis de fixation et attendent le montage de leur sautereaux:
Pour ajuster la distance des sautereaux par rapport à une corde, une corde en nylon est provisoirement positionnée comme référence:
Le montage de la vielle n'est pas encore terminé, mais la fin approche: il manquent encore les cordes, les capodastres, les chiens, les cordes de résonance, etc.,etc. ... Un peu de patience, on y est presque...
.